Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

jeudi 18 novembre 2010

Saints et Maudits (suite 1)


A ce point du récit, lorsque la rébellion démarre à Melilla, le 17 Juillet 1936, il faut bien replacer une nouvelle fois les choses dans le contexte. Le malheureux Casares Quiroga, par ailleurs père de Maria Casares, ce qui pour del Castillo lui confère un seul point positif, une ânerie, mais ce n'est pas la seule dans ce livre homophobe imbécile et haineux, est informé des faits et de leur suite en Espagne. Rien n'est gagné pour les rebelles, puisque les grandes villes ont résisté, et même le pays basque, traditionnellement catholique comprend que les insurgés sont totalement hostiles à toute idée d'autonomie, et qu'à tout prendre, la République offre plus de garanties. C'est, à ce moment, leur seule motivation, de même que celle du petit clergé basque.

La République a l'argent, c'est ce que croit en particulier Prieto, et donc tous les moyens de mâter l'insurrection. l'Espagne possède la quatrième ou cinquième, selon les historiens, réserve d'or mondiale. Même la Marine reste, en grande partie, fidèle à la République, ou plus exactement les marins se soulèvent contre leurs officiers ce qui aura une conséquence inattendue: privés de compétences à bord, ces bateaux furent d'une inefficacité totale, en particulier pour s'opposer au passage des troupes marocaines qui allaient être si déterminantes dans la marche sur Madrid. De plus, l'Angleterre, d'emblée favorable aux rebelles et surtout soucieuse de préserver ses très importants investissements en Espagne, devait leur interdire l'accès à Gibraltar, ce qui de fait les réduisait encore plus à l'impuissance. Le Milices de gauche demandaient des armes, Casares Quiroga, malade de tuberculose et dépassé par les événements, rendit son tablier. Le modéré très ou trop brillant et maçon Barrio lui succéda et chercha une voie de négociation avec Mola qui lui dit sobrement que c'était trop tard. Ne souhaitant pas armer les milices, il fut remplacé par Giral, ami personnel d'Azana, qui les arma. Mais le « bordel » était tel que par exemple, la République qui se méfiait de l'Armée avait stocké en des endroits différents, les armes et les culasses. Bref, 3 gouvernements pratiquement en 72 heures, un armement dérisoire, des milices totalement désorganisées, et surtout personne à qui se fier dans les outils normaux d'une République: armée, police.

Restait toutefois cette culture de « pronunciamentos » si fréquents au XIXème siècle, où l'armée réglait de façon presque consensuelle les conflits, culture qui vit, plus tard, Primo de Rivera prendre le pouvoir avec pratiquement l'assentiment général, et semblait fausser l'idée même d'une révolution et du prix humain à en payer, dans le sens de la sous évaluation. Ceci fut flagrant lorsqu'en 32 Sanjurjo tenta de renverser la République et fut très facilement mis en déroute. Il est donc très possible que les Républicains aient longtemps cru que la « crise » serait surmontée. De plus, les insurgés n'étaient pas en situation si favorable, les grandes villes ayant résisté grâce à la mobilisation des syndicats. En fait, chaque fois qu'on sut ou put contrôler la Garde Civile et mobiliser le peuple, les militaires furent mis en échec. La situation du Nord de l'Espagne était plus complexe, surtout au pays Basque, détenteur des ressources minières de Bilbao, traditionnellement catholique, mais où le sentiment autonomiste l'emportait, ce qui, finalement, impliquait de se ranger du coté des républicains. On peut penser qu'au fond, il en fut de même pour les galiciens, les catalans, pour parler seulement du peuple et non des élites, qui évidemment, amplifiaient ce sentiment.

Certaines provinces tombèrent d'emblée entre les mains des rebelles, comme la Navarre carliste, dont tous nos aficionados esthètes de la vraie fiesta, reprennent les couleurs honteuses. Rouge et blanc. Mola s'était lancé à la conquête du Nord mais également entendait marcher vers Madrid pour faire la jonction avec les troupes de Franco, renforcées par les marocains et les légionnaires.

Parallèlement, les anarchistes voulaient implanter leur révolution et envisageaient de reconquérir l'Aragon. Quasi immédiatement dans la zone républicaine, on massacra des prêtres mais également fleurirent les vénéneuses « checas », dont les responsables étaient souvent plus que douteux, car la République avait ouvert les prisons et libéré toutes sortes d'individus, depuis des militants politiques jusqu'à des truands, pourvu qu'ils se disent favorables à la République. On en retrouva souvent à la tête de ces machines à « pasear ».

La République s'illustra ensuite, plus tard, la première fois en Aout à la prison Modelo de Madrid en matant un début d'insurrection, (début d'incendie volontaire) et au passage tuant le vétéran politique Melquiades Alvarez que Azana avait tant côtoyé à l'Ateneo. Ceci consterna Azana qui comprit que la guerre était partie dans la déraison. Plus tard, en Novembre, dans Madrid assiégée, écrasée sous les bombes, bruissant des histoires terribles de la marche sur Madrid des maures, et de l'épouvantable tuerie par les troupes de Yague à Badajoz, on « évacua » la prison Modelo encore, car on ne voulait pas que les prisonniers renforcent les troupes franquistes. Beaucoup d'entre eux terminèrent leur vie à Paracuellos. Mais le gouvernement était exilé à Valence et la Junta de Defensa était entre les mains du trop jeune Santiago Carrillo, probablement dépassé par les événements, et incapable de résister à la pression de certains conseillers communistes, dont probablement Kostlov qui voulaient une épuration. L'ampleur de cette tuerie, probablement de l'ordre de 2000 victimes, équivalente si on peut dire à celle de Badajoz, fut reportée par des observateurs de la Croix Rouge, pour une fois présents. On ne les avait pas vus à Badajoz.

Mais si tant est qu'on puisse s'exprimer ainsi, ce qui porta le plus grand préjudice à l'image extérieure de la République en Guerre, ce fut l'extermination rituelle, souvent, des membres du clergé, dont pratiquement 7000 périrent, la plupart dans les premiers jours ou mois de la Guerre civile. Il fallut pratiquement 6 mois à la République pour mettre fin à ces exactions et contrôler les néfastes « checas » qui reprirent du service sous une forme plus politisée après les émeutes de Barcelone, mi 1937, à la fois pour lutter contre la Vème colonne, de plus en plus active mais aussi annihiler les anarchistes, en important les purges anti trotskistes de Moscou.

Le massacre du clergé devait « justifier » l'homélie des « Deux Villes », en Septembre 1936, qui consacrait la dénomination de « croisade » pratiquement miraculeuse pour Franco, puis la lettre collective de l'épiscopat espagnol mi 1937, ralliant ainsi définitivement, tous les lobbies catholiques surtout anglo saxons, qui dès les premiers jours avaient montré de la sympathie, c'est un euphémisme, pour les rebelles. Mais la République, désunie, divisée sur la marche à suivre, sans armée, ni police, n'avait aucun moyen dans cette confusion de faire régner un semblant d'ordre dans ses troupes.

A suivre peut être

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Je suis abasourdie par votre culture, Chulo, qui n'a d'égale que mon inculture...(légendaire !)
Je vous signale , en passant, un titre de roman que je voudrais lire, (mais ne trouverais pas le temps, encore une fois ) sur le sort des anars galiciens vaincus : L'Odyssée du Winnipeg de ramon Chao (éditions Buchet-Chastel, 20 euros). Un beau roman paraît-il.

Gina

el Chulo a dit…

Chère Gina,

comme toujours vous êtes à la fois trop indulgente et inutilement modeste.

je n'ai pas le moindre doute sur votre culture, vous le savez, même si parfois je me permets de "chambrer" un peu votre émerveillement permanent. en toute amitié soyez en sure, car vous me rappelez mon père, admirateur des "agrégés", et convaincu que les autres avaient plus à dire ou penser que lui.
j'ai mis longtemps à me débarasser de cette fausse humilité. aujourd'hui j'ai la conviction que la connerie est equirépartie, une manière d'égalté sociale, enfin!, entre toutes les couches sociales et culturelles. même, n'en déplaise à mon père les agrégés peuvent ne pas y échapper, pas plus que les curés, encore moins les papes, les militaires, les écrivains ratés les politiciens formatés, les ingénieurs, les artisans, les paysans, les aficionados, les professions libérals, les gogoboys, les bistroquets, les putes, les call girls, les artistes et parfois les sdf, qui ont plus d'excuses en fait.
le seul problème étant qu'un con armé de fric ou de fusil ou de la responsabilité de faire respecter la loi, est plus dangereux qu'un con impuissant même vociférant, fût t'il artiste.

je ne connais pas le livre que vous citez, je connais par contre le Rivas, qui conte l'histoire d'un autodafe en galicie.

restez surtout comme vous êtes gina.

Maja Lola a dit…

Toujours passionant, Chulo. Quel travail de recherche historique où tu ne t'arrêtes pas aux faits mais ajoutes une analyse qui les rend presque présents. Cette période est vraiment une passion viscérale pour toi !
Oui, cette République était bien trop fragile, naïve, idéaliste. La narration de son cheminement maladroit et cahotique, au manque de maturité certain, présage de la suite inéluctable. L'évocation des "checas" m'a donné froid dans le dos. Quels que soient les noms qu'on leur donne, leur "sale boulot" reste une constante universelle.

El Coronel a dit…

Ya veo Chulo, que el blog va entranndo en materia caliente. Me gusta. Tu ya sabes como opino sobre estso acontecimientos, sobre como se gestiono La republica y las consecuencias, pero no esta de más poder ir desgranando, la historia, para ver que errores se cometieron y no volver a cometerlos, si el tiempo lo permite (¿?)
¿le gustaron a tu amigo, el director de cine? ?le servia alguna de las que te di en Madrid?
Me haria mucho ilusion saber que he sido util a la pelicula de tu amigo.
Un fuerte abrazo
Salud

Anonyme a dit…

Chulo, vous avez raison, la co... est comme le bon sens la chose du monde la mieux répandue. Je ne fais pas la fausse modeste mais je suis émerveillée par ce qu'on ne cesse d'apprendre dans la vie, partout, de tout le monde (parce qu'on ne sait rien sorti de son domaine où il est toujours difficile d'exceller).
Bonne journée, pluvieuse à Nîmes, de quoi lire sans s'arrêter.

Gina

el chulo a dit…

merci gina.

vous ne m'avez rien dit de mon cher ray carver.

bonne journée à vous aussi, et bonne lecture!

el chulo a dit…

amigo angel,

intente al instante llamarte por telefono, dos veces.

estoy metido en un proceso para aclarar mis pensamientos sobre la guerra de espana. ya sabes que hablemos de estas cosas.pero tambien, cuando uno se mete en es-te problema, tiene que entender porque le importa tanto.

santos y malditos significa, y estoy seguro que lo entiendes muy bien, que no hubo solo santos, tampoco solo malditos, pero al fin, unos fueron mas! y aqui esta el problema.

no dudes ni un instante que este "trabajo" de jubilado, lo hago nunca olvidando que soy de "izquierda" y ni la muerte me quitara esto y tambien con un total respecto para los que murieron u padecieron de esta infamia del franquismo.

no dudes tambien que tratare de otros asuntos de la guerra. eso no interesa a nadie aqui, porque todos tienen una idea, pero necesito hacer este trabajo, ya lo sabes, amigo!

te contestare por mel para lo demas.

un abrazo fuerte de amistad y respecto.

Anonyme a dit…

Patience, Chulo, je n'ai pas mon bouquin ici, je vous dirai.

G