Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

mardi 2 avril 2013

La démocratie en question!


Dans le Sud Ouest Dimanche de ce dimanche, Jean-Claude Guillebaud a signé un édito remarquable. Je le dis d'autant plus volontiers que je peste souvent contre cette publication hebdomadaire que je feins de n’acheter que pour son supplément TV, et, il faut bien le dire, les papiers formidables du très talentueux Christian Seguin : très belle écriture, fausse légèreté plus proche d'un certain dandysme, élégance donc.



Pour en revenir à Jean Claude Guillebaud, ce n'est pas réellement un gauchiste, ni un excité. Son article s'intitule « En finir avec l'absurdité ». Pour illustrer son propos il cite l'allemand Ingo Schulze, qui par exemple a écrit que «  le délitement de la démocratie, la polarisation économique et sociale croissante entre pauvres et nantis, la ruine de l’État social, la privatisation et la marchandisation progressive de tous les domaines de la vie » ne serait pas acceptable plus longtemps.



Jusque là, ce sont des choses qu'on murmure, constatant, avec terreur qu'on va droit dans le mur sur le cheval fou du « libéralisme » échevelé et surtout assassin. On constate bien sûr, mais on ne fait rien, attendant d'être vidés de notre substance sur place, avec cette excuse qu'on n'y peut rien, que c'est la mondialisation, et surtout qu'il ne faut pas déplaire aux marchés, au risque de se faire vampiriser.



Pour illustrer cette absurdité, il cite donc deux expressions qu'il juge pour la première comme « une sottise », l'autre comme « passablement obscène ». La première est de notre icône européenne, la si vertueuse et visionnaire Madame Merkel , dont précisément Schulze cite une formule datant de deux ans : « Il nous faut une démocratie conforme au marché », formule qui est la sottise. Guillebaud fait remarquer qu'aucune presse et pas seulement la française n'a sauté au plafond. Concernant la « passablement obscène », c'est Poutine qui s'y colle lorsqu'il utilise souvent, selon Guillebaud , la formule « démocratie dirigée » pour évoquer cette démocratie si maltraitée, mais il vrai que la « démocratie dirigée » est une spécialité des régimes dits communistes. Deux âneries colossales, comme si la démocratie pouvait être dirigée sans perdre évidemment toute sa signification, ou encore qu'elle devait être conforme au marché, c'est à dire, également, soumise au marché. Et selon Guillebaud, Schulze  ajoute : « Si nous voulons survivre économiquement, socialement, écologiquement et éthiquement, il nous faut des marchés conformes à la démocratie ».



Bien sûr, ceci en dit long sur le niveau d'implication du politique vis à vis du social. C'est aussi un aveu d'impuissance terrible traduisant, qu'on le veuille ou non un asservissement tragique aux puissances de l'argent, au détriment de toute idéologie et de vrai combat politique. Nos malheureux politiques n'ont en mains que des pétards mouillés, les armes de destruction massive sont ailleurs entre les mains de ce qui devient une oligarchie mondiale, et une peste argentée. On devine évidemment toutes les pressions chantages qui sont exercés sur les politiques quels qu'ils soient du type : «  ne m'emmerde pas ou je délocalise et te refile quelques milliers de chômeurs sur les bras », sans parler des « interactions » euphémismes avec les partis politiques par valises de fric interposées. On devine bien sûr que ces « dons » étaient à fonds perdus et sans espoir de retour, sous quelque forme que ce fût. Mais bien sûr tout ceci a cessé depuis belle lurette !



Et puis, on dirait que la leçon de 1929 n'a servi en rien. C'est à peine si on se souvient qu’elle a amené Hitler, Mussolini, Franco, Salazar, Staline, et bien d'autres, injustement, de moindre renom. Et encore, à cette époque, les puissances d'argent, banques, industriels, propriétaires terriens étaient moins généralisés et pas encore regroupés en une oligarchie mondiale.



Face à cette impuissance du politique, où des élections se jouent avec 30 pour cent de participation, il faudra bien se convaincre que comme l'écrit Guillebaud , le rôle du politique n'est pas de « rassurer les marchés » mais bien de « rassurer les citoyens ».



Un ami cher, content de mettre les voiles pour l'Espagne et l'Andalousie en particulier me disait aussi son dégoût profond pour cette classe dirigeante stéréotypée, sans imagination ni fierté. A mi-mots, je crois comprendre que selon lui, cela finira mal, très mal.



Face à cette désespérance qui se généralise, bien sûr, les extrêmes prospèrent, dans une débauche de populisme, aussi bien de droite que de gauche, extrêmes évidemment. Et le populisme, tout le monde sait où cela conduit.



Et à ce sujet, au risque de faire rire, je dirai qu'à bien y réfléchir, les similitudes entre les deux situations des années trente en Espagne et maintenant sont plutôt frappantes : domination d'une caste dominante ou de castes dominantes réactionnaires, échec du parlementarisme, gauche balayée en partie par ses propres incohérences et divisions, tentative de domination du religieux dans la vie sociale.



Il me vient aussi à l'esprit combien, et encore aujourd'hui, Mai 68, dont pour la droite, la faute principale et impardonnable est de l'avoir faite trembler sur ses bases, est encore donc insulté, déformé, ridiculisé. Pourtant, tout de ce qui nous arrive aujourd'hui était dénoncé et prédit. On le voit bien « ne pas désespérer Billancourt », « métro, boulot, dodo » et tant d'autres slogans, comme « il est interdit d'interdire » ou « sous le pavé la plage » ont un sens actuel, qu'on le veuille ou non.



Mais voilà, lorsque les banques se sont affaissées, victimes de leur imprévoyance, incompétence, affairisme ce sont les États dont nous, les pékins qui les ont renflouées, au prix d'une précarité, d'une paupérisation, d'une polarisation haineuse et d'une désespérance généralisées.



Alors bien sûr « l'indignation » est de mise mais sûrement non suffisante, mais malheureusement elle ne fonctionne que dans un seul sens. On l'a vu il n'y a pas si longtemps, lorsqu'un gouvernement de gauche a battu en retraite devant l'indignation des grotesques « pigeons ».



Les grecs ont certainement commis bien des erreurs, surtout leurs dirigeants d'ailleurs, tout comme les italiens, les espagnols, les portugais les français, même les anglais, mais les rigueurs qu'ils doivent subir sont proprement insupportables. Jusqu'à quand supporteront t'ils ? Sans broncher ?



J'en doute !