Navalon de tentadeo

Navalon de tentadeo
Navalon de tentadero. Photo de Carmen Esteban avec sa permission

jeudi 30 octobre 2014

Irun un 29 Octobre


Cette année, ici,  l’automne quitte à regret l’été. Il en veut conserver la chaleur et le ciel d’un bleu d’ange. Il va aussi sans enthousiasme vers l’hiver. La seule preuve est donnée par  les jours qui raccourcissent et un soleil plus bas.

Rien que de doux ici. Rien à voir avec ces départements  du Sud Est dévastés. Certes la colère de l’Océan a bouffé des morceaux de cote, ici, là où peut être, il eût été plus judicieux de ne pas construire, mais, « business is business », et ça, évidemment, c’est hautement respectable.  Réchauffement climatique disent t’ils. Je pense à « Quand la mer monte » de Raoul de Godewarsvelde, de son vrai nom Francis Albert Victor Delbarre et qui sûrement fut son seul succès, 150 000 disques vendus, avec un refrain confondant :

« Quand la mer monte j'ai honte, j'ai honte
Quand elle descend je l'attends
A marée basse elle est partie hélas
A marée haute avec un autre. »

Je me surprends souvent à m’accrocher avec mon ado, amatrice de rap, en oubliant cette connerie de Raoul, et tant d’autres, rivalisant de vulgarité, lorsque je dis que les paroles que je ne connais pas vraiment sont nulles. L’accent et les propos graveleux neuf trois m’insupportent. Paraît qu’il y a de vrais poètes !

Mais aussi, il suffit d’avoir eu une fille passée en classe de seconde actuelle, quelles que soient ses difficultés propres à l’adolescence, pour mesurer l’échec terrible et de l’intégration et de l’enseignement des bases. Et je le dis sans animosité, combien d’élèves de seconde actuelle, seraient capables d’avoir le certificat d’études de mon père. Alors bien sûr aussi, lorsque vous passez, toujours en filière classique, dans le S, le ES ou le L, la différence est flagrante. Classes calmes, studieuses, avec des enfants qui ont conscience de préparer leur avenir. Je garde un souvenir terrible de cette seconde poubelle, qui achève ses enfants, pour n’avoir pas su les protéger avant. On me dit aussi que certains élèves se révèlent dans les filières non traditionnelles. Mais pourquoi si tard ?

Voilà, nous étions donc à Irun. Mes femmes voulaient faire quelques courses. Je conservais le souvenir d’une ville noire et puante, comme Pasajes, allez savoir pourquoi. Je suis allé m’asseoir sur une jolie petite place, à l’abri de platanes, laissant les filles à leurs occupations. Une petite bière et les pensées déjà s’envolent.

 Irun martyr de Mola et de Franco, Irun qui résista jusqu’à épuisement de ses pauvres munitions,  avec des trains d’armes bloqués à Hendaye par la honteuse « non intervention » des scandaleux britanniques. Mon père me racontait que c’était une promenade pour certains d’aller de l’autre  coté du fleuve voir les espagnols s’entretuer. Ils ne savaient pas que c’était un prélude à leur propre malheur.

Je m’étonnais que la ville comporte tant de montées et de descentes, de collines et compris pourquoi, sur ce terrain, la résistance avait pu être dure.

Mais voilà cette petite place et ses platanes avait quelque chose de doux et tendre. Le soleil commençait à décliner, presque dans un liquide mielleux, qui commençait à s’étaler mollement. J’étais bien.

« Tengo que cobrar » me dit la serveuse avec un sourire. J’étais plutôt fiérot, parce qu’à la table d’à coté elle avait parlé un français impeccable à de bien exigeants gaulois réfractaires à la langue du divin manchot. « Comment payer moins cher ? », « une ration pour deux ça suffit non ? », « comment se fait t’il qu’il n’y ait pas d’eau en carafe du robinet ? ». Ils n’avaient rien de miséreux, et les entendant parler, je compris qu’ils étaient libraires. Il doit y avoir une sérieuse crise du livre.

Elle était plutôt grande m’a-t-il semblé, nette, et d’une grande beauté. Un profil fin et parfait et des cheveux auburn. « Ne me dites pas qu’en plus vous avez les yeux verts » lui dis-je, victime de mon syndrome Maureen o’Hara. « Mais si », dit t’elle, me faisant face dans un grand rire.

J’ai payé et me suis enfoncé dans mon fauteuil. Elle disparut dans le ventre noir du bar. Peu après, son sac pendu à son coude, elle transporta un tas de cartons. Ils font aussi le tri sélectif à Irun. Sans hâte, toujours droite.

Puis elle chercha le soleil pour traverser la petite place. Le soleil fêtait le cuivre de ses cheveux. Elle marchait doucement, je pensai alors qu’elle n’avait personne à rejoindre, au moins dans l’immédiat ou que simplement elle voulait remercier le soleil d’automne de tant l’embellir.

Elle s’arrêta, fouilla dans son sac, un drôle de sac qu’on eût dit en carton. Elle sortit une cigarette qu’elle alluma. Elle en tira une longue bouffée, qu’elle expulsa nez vers le ciel. La lumière et la fumée la nimbèrent d’une ouate mi argent mi or.

Sans doute savait t’elle que je la regardais. Elle reprit son chemin, me tournant le dos. Au coin de la place, elle me fit un petit signe d’adieu de la main.

12 commentaires:

velonero a dit…

Un si beau texte, ça valait le coup d'attendre quelques mois!

Anonyme a dit…

! Agur Txulo que bueno es !
Tanto tiempo...merece la pèna esperar...
Passes tu la première classique ? ou restes tu en seconde moderne pour avaler la pente cote -txuleta d'Irun qui est trés , très raide , surtout après une telle traversée de la placette ,con hechuras llenas de toreria .
Il ne faut surtout pas caler.
P'alante Txulo !

ernesto

el Chulo a dit…

Velonero merci pour ta visite. Mais tu es trop indulgent.
Ernesto, je t'ai reconnu vieux forban.Je n'ai pas tout compris.

Anonyme a dit…

Claro Txulo !
Je pense que la cantinière encastée aux yeux verts , qui traversait la placette , te faisait le célèbre coup local de l'Alarde.
Il faut donc y retourner, una vez mas,le carburateur nettoyé..et vérifier.
Muxu.
ernesto

el Chulo a dit…

Merci pour ce précieux et hautement historique commentaire. Ceci dit je ne vois pas réellement le lien avec l'Alarde de Irun, peut être parceque je suis français? Bref, revenons à nos WAOUAHHHHHHHHHHHHHHH vicquois!Nous prenions grand soin du carburateur et de la qualité du carburant!

Anonyme a dit…

Je quitte un temps la douceur de la plage pour goûter à la douceur paisible et poétique de cette succession de paragraphes. On les lit avec d'autant plus de lenteur qu'ils sont beaux, qu' ils poussent à réfléchir, à s'insurger avec une indignation qu'on partagerait si elle n'était inutile. Hélas !

La place d'Irun m'a fait penser à l'avenue Feuchères de Nîmes que descendaient les promeneurs au temps du Nazisme pour se rendre les soirs d'été à la gare et saluer les jeunes qu'on emmenait de force en Allemagne pour le STO.
Gina

el Chulo a dit…

En effet Gina, vous avez raison. En même temps que cette petite place banale mais charmante dans sa lumière d'automne, m'a ravi, je pensais à comment c'était ici quand les requetes de mola déferlèrent sur la ville.
Des lectrices comme vous sont vraiment magnifiques. Merci.

Marc Delon a dit…

Commentaires au choix :

1) la placette, le STO, les platanes, les nazis, les paragraphes... vous plaisantez ou quoi ? C'est la femme aux yeux verts, l'âme de ce texte !

2) Putain Chulo, tu veux pecho ou quoi ? Dès que tes femmes ont le dos tourné - et ta fille te surveillerait sans doute plus sévèrement que ta femme - tu mates alentour, open aux atours ???

3) Aaaaah les fantasmes des écrivains... des hommes...

4) Chulo ! Nîmes te plairait, il y a des platanes et un brasseur, la Camargue toute proche avec des points noirs dedans et même, même, Dolres et Gina, pareja distinguée de choc...

Xavier KLEIN a dit…

Cher Chulo,
Comme tu as l’art admirable du «coq à l’âne» et de décrire en quelques mots le cheminement de tes rêveries d’un buveur solitaire sur la grand place d’Irun !
N’oublie quand même pas que les trains d’armes bloqués l’étaient par le gouvernement français qui n’avait pas su s’opposer aux rosbifs (comme actuellement avec Merkel).
Quant à la «niña», tu as raison de tempêter: c’est le nivellement par le bas d’une société où nos califes veulent un peuple suffisamment instruit pour produire mais pas assez pour contester. «Panem et circences»: on goinfre le peuple de boustifaille de masse et d’émissions ou de culture à bon marché pour qu’il ne réfléchisse pas trop profond, tout cela avec l’assentiment tacite et silencieux de la nation.
L’instruction, la culture –la vraie- sont devenues des offenses et ceux qui les pratiquent au lycée et au collège, dénoncés comme des «intellos» et rejetés par leurs congénères. L’heure est aux paris stupides de qui se filmera ingérant le plus d’alcool possible en un temps minimum et autres conneries.
Est-ce être un vieux con que de le relever?
Pour ta jeunette cuivrée, c’était sans doute un rêve impossible. Et pourquoi pas après tout !

el Chulo a dit…

Bon, mon xaviern sauf qu'évidemment pour moi, ce furent les anglais qui conduisirent la non intervention et firent un chantage assez dégueulasse aux français.Mais tu as raison, la "bonne" France était hostile aux républicains

La condesa de Estraza a dit…

Buenos días, Chulo y demás amigos, especialmente para Xavier Klein, con besos muy cariñosos para todos ustedes.
Fiesta en Madrid hoy lunes, día de la Virgen de la Almudena, una de las patrona de la Villa, y con mi saludo la alegría inmensa de ver este blog de nuevo con actividad y al Chulo arriba, echando fuego, como debe ser.
Tranquilo amigo mío, estoy en condiciones de asegurar que entramos en un periodo nuevo donde nos vamos a reír hasta partirnos la caja (por lo menos yo -madre mía, de la cosas que me entero) y si me río yo alguna carcajada sonada llegará a Francia calculo que en cuanto suene el primer tararí de la temporada venteña.
Chulo: la leonera de mi blog la tengo estos días medio abandonada, por lo que sabes, cubriendo las apariencias con una serie improvisada por completo sobre flamenco que me voy sacando de la manga conforme puedo, no obstante la voy a interrumpir para anunciar tu vuelta.
Lo dicho, bs.

La condesa de Estraza

el Chulo a dit…

Buenos dias guapa.
Cono, hay un santo (santa, virgencita,) para el cementerio de la Almudena? Que sentido de la poesia teneis los castellanos.
Contigo siempre estoy alegre, con el coro tambien.
Un besazo carino